USA for Africa

1985. A 10 ans, on est vite impressionné. Voir Michaël Jackson dans un clip, arborant un gant en diamant, gardant un pouce dans la poche du pantalon feu de plancher, et les quatres autre doigts sur son aine pour battre le tempo, le tout dans un rythme rotulien impeccable, ça décalquait sur place.

Je ne vous parle pas de la petite veste dorée qui aurait fait pâlir Henri VIII de jalousie.

Déjà qu’avec Thriller, ma première émotion musicale, MJ m’avait impressionné. Oui, il m’avait ébloui autant qu’il m’avait foutu les jetons. Le seul clip visionné avec des doigts devant les yeux, comme si je regardais Freddy. C’est sûr que trois ans plus tard, il n’y avait plus de doigts pour protéger mes yeux de l’écran lorsque Guesch Patti beuglait « Etienne ».

USA for Africa, ça allait devenir pour moi un symbole, celui de la fraternité, orchestrée par l’homme aux grosses chaussettes diamanto-blanches et aux mocassins magiques façonnés pour le moonwalk.

Le symbole avait ce refrain, lorsque la caméra montrait dans un effet qui partait des mocassins vers le gomina, un Michaël à la chorégraphie humble (celle du gant serti de diamants et des rotules, donc), au sommet, fédérateur et généreux :

« We are the world, we are the children, We are the ones who make a brighter day So let’s start giving ».

Bien entendu à 10 ans, je comprenais plutôt ça.

« Oui arre deux ouorld, Oui arre deux chiche graine, Oui arre deux wouane ouh mek e ??? dé, So leztarte Kévin ».

Autant vous dire que je ne comprenais rien.

Mais le clip était si éloquent (je me demande où je pouvais bien le visionner en fait) : Michaël et les 40 chanteurs. Oui une quarantaine de ses potes semblaient tous sincèrement concernés.

Ah oui, faut que je vous dise. Cette vidéo a mis fin à un incroyable mépris : tous les américains ne sont pas noirs de peau. Je l’apprenais à cette occasion, ce qui mettait fin à une équation que j’estimais jusque là imparable : Michaël Jackson = américain ; Michaël Jackson = noir de peau ; Américain = noir de peau.

Pourtant les premiers copains de MJ chantonnant « We are the world » dans le clip sont Lionel Richie et Steve Wonder, de quoi confirmer ma théorie. Et puis Paul Simon est arrivé dans la vidéo, lâchant un : « and it’s time to lend a hand to life ».

J’entrevoyais la diversité américaine, confirmée plus tard dans la vidéo et encore plus tard à travers de nouvelles images de l’Amérique où figuraient notamment ses communautés africaines, italiennes, asiatiques, sud-américaines, et lors de l’étude scolaire de ses colons historiques.

Les autres copains de Michaël, je les connaissais un peu : Bruce Springsteen vociférant un « We are the world » viril et ogresque, Cyndi Lauper et son « Well, well, well, let’s realize » nasal et haut perché, Tina Turner et sa bouche (rien d’autre à ajouter) et puis le gesticulant Ray Charles à la fin de la vidéo dont la vue me donne encore des frissons.

Voici comment j’ai fait connaissance de l’Amérique, cet empire capable du meilleur comme du pire.

J’aime bien m’en souvenir.

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